Parfait, sinon rien !
La personne qui manque de confiance en elle pense souvent que c’est parce qu’elle n’est pas assez compétente, assez séduisante, assez rapide ou encore assez cultivée. Il lui manque une ou plusieurs qualités essentielles pour être aussi bien que les autres (à moins que secrètement elle n’espère être meilleure que les autres). Bref, elle n’est pas assez parfaite pour se laisser aller et avoir confiance en elle. Et si c’était justement le désir de perfection qui empêchait d’avoir confiance en soi ?
La confiance en soi, une histoire de compétences.
Dans son livre intitulé La confiance en soi(1), Charles Pépin rappelle avec sa verve habituelle que la confiance en soi et en ses capacités sont intimement lié à la compétence. Or, comment acquière-ton la compétence ? Est-ce inné ? Y-a-t-il des chanceux qui naissent en sachant gagner Rolland Garos, écrire un best seller ou réparer un carbu, et les autres, les losers ? Vous avez eu envie de dire « oui » ?
Très souvent, la personne qui souffre de ne pas avoir confiance en elle vit avec cette pensée que les choses se réussissent vite et du premier coup, ou au moins avec facilité. Elle ne supporte aucun échec car elle se compare à ceux qui sont au top au lieu d’observer ses propres progrès. Car accéder à la compétence, et donc à la foi en ses capacités, nécessite de l’entraînement, des tâtonnements, des essais et erreur.
Or, l’illusion selon laquelle la perfection existe et que c’est à cette condition que la confiance en soi est possible, invalide totalement la phase très humaine d’entraînement, d’acquisition des capacités. La perfection demande une réussite totale et immédiate. Autant dire, inhumaine.
Perfection, ô perfection !
Pire, il est absolument normal de ne pas avoir confiance en soi dans un très grand nombre de circonstances. Si je n’ai jamais conduis, je suis absolument ignorante de ce qui va se passer lors de ma première leçon de conduite. J’ai bien raison de ne pas me faire confiance ! C’est même l’assurance que je vais avoir l’humilité d’écouter le moniteur, être prudente, etc.
Il est pourtant des personnes qui veulent avoir confiance en elle, être certaine qu’elle vont réussir parfaitement, avant de se lancer. Et qui vont déduire de leur anxiété qu’elle n’ont pas confiance en elle et que cela constitue un défaut de leur personne. Certaines vont même abandonner l’idée d’obtenir un jour leur permis. Leur anxiété est générée bien plus par leur désir de perfection que par la situation nouvelle et leur manque supposé de confiance en elle.
Le fantasme de perfection (oui, rappelons que c’est un fantasme, que la perfection n’existe pas) alimente donc assez souvent la procrastination(2), l’abandon par forfait. Ce qui est un poison pour l’estime de soi.
Il empêche aussi très souvent le progrès, l’acquisition forcément progressive de la compétence, le patient perfectionnement, ce qui n’est pas non plus une bonne nouvelle pour la construction de la confiance en soi, ni pour la construction de soi tout court.
Commandements anti-perfectionnisme.
(pour imiter le décalogue divin, je vous tutoies. Car quel meilleur exemple que Dieu pour parler de perfection ? Comme je ne suis pas Dieu, mon décalogue est imparfait et ne comporte que quatre commandements)
- Te comparer, tu ne feras pas. Te comparer t’amènera forcément à constater que tu n’es pas. Tu n’es pas Eddie Van Halen, ni Rafael Nadal ni Beyoncé, ni même ton frère. Bah non, tu es toi. Unique.
- Tes progrès tu constateras. Elle est là ton échelle de comparaison, la seule importante ! Toi. Compares « toi d’hier » à « toi d’aujourd’hui ».
- Humble tu seras. Accepter de devenir un peu plus compétent chaque jour, c’est accepter l’idée que tu l’étais moins hier. Ca pique !
- Aimes ce que tu fais, prends du plaisir à faire le mouvement, le geste, l’activité qui te fait cheminer. C’est ce qui fait le tissu de ton action dans le monde. Oublies l’objectif et sois comme Haruki Murakami(3) :
Je ne pense pas que la simple volonté vous rende capable de faire quelque chose. […] Je crois que j’ai pu courir depuis plus de vingt ans pour une raison simple : cela me convient.
Haruki Murakami(3)
Vous n’êtes pas certain d’y arriver seul.e ? A l’inverse de Murakami, vous ne savez pas ce qui vous pourrait vous « convenir » ? Rencontrons-nous.
(1) Charles Pépin. La confiance en soi : une philosophie. Allary Editions. 2018
(2) Je vous renvoies à la série d’articles que j’ai écrit sur certains aspects de la procrastination : « I would prefer not to » ou l’art de la procrastination – Episode 1, 2 et 3.
(3) Haruki Murakami. Autoportrait de l’auteur en coureur de fond. 10/18. 2011. p.59
Bonjour,
J’aime bien le décalogue à 4 commandements.
Personnellement, je suis perfectionniste même si je sais que la perfection n’est pas de ce monde. Dans un monde où tout va très vite, ou il faut faire les choses vite, j’ai choisi de prendre mon temps et d’être patiente. Certains penseront/pensent que c’est un manque de confiance en moi, la peur de ne pas réussir mais il n’en n’est rien. Je sais où je veux aller et je prends mon mal en patience.
Merci pour ce post fort intéressant
https://dld-communication-digitale.com
Bonjour Deltrey,
Meri de votre commentaire et du partage de votre expérience. Il est effectivement bien complexe de vivre à son rythme alors que le temps de vivre vraiment les choses est une des clés de la confiance en soi, par la connexion à soi et à ses vrais besoins et désirs.
Vous allez me trouver mal lunée (et j’avoue que cela m’arrive), mais en lisant votre commentaire je me suis quand même demandé si vous ne m’utilisiez pas juste pour faire votre promo, grâce au lien vers votre site.
Bien sûr, le trafic sur mon site est suffisamment modeste pour que cela me fasse plutôt sourire, mais vous me donnez l’idée d’un prochain article, traitant de comment le lien humain est profondément perverti, et de plus en plus, par l’instrumentalisation de l’autre. Ce n’est pas nouveau, mais on arrive à des niveau assez rarement atteint, je crois.
Un autre idée d’article, serait peut-être comment on s’instrumentalise soi-même pour finir par être totalement identifié à notre fonction et à notre performance marchande.
Bonjour
Je suis depuis plusieurs années vos publications professionnelles qui s’enrichissent de jour en jour.
Je n’ai pas pu m’empêcher de faire le lien entre le contenu de cet article et ce que j’observe dans la qualité croissante de votre blog qui vise peut être la perfection ?
Certains psychologues du travail (Christophe Dejours il me semble) estiment que le travail réalisé par chacun est un miroir qui doit lui renvoyer une belle image de lui même. J’aime beaucoup cette formulation dans laquelle je me retrouve lorsque je réalise quelque chose qui correspond au niveau d’exigence que je me suis fixé.
Merci pour ce blog qui doit vous renvoyer une belle image.