Les grands soirs et les matins triomphants ne sont pas légion. La vie est plutôt tissée de petits moments, d’une succession d’instants que l’on oublie parfois de vivre vraiment. Au creux de l’hiver, sous le plafond bas, mais aussi quand le printemps arrive et qu’il semble nous échapper cruellement, la joie, la vie, peuvent nous sembler bien loin de nous. Est-ce si sûr ?

Chacun son truc face à la douleur de vivre. Pour Montesquieu, c’était la lecture : « Je n’ai jamais eu de chagrin qu’une heure de lecture n’ait dissipé », a-t-il écrit. Nous avons tous nos « petites choses » qui nous font toujours du bien, mais encore faut-il le savoir.

Parfois, on confond ces choses avec l’oubli de soi, dans une addiction par exemple, dans le visionnage à haute dose d’une série et dans le scrolling sur Instagram ou TikTok. Il y a pourtant une très grande différence entre le puits sans fond de ces déconnections et l’émotion de joie et de complétude qu’offre, à l’inverse, la reconnexion à nos ressources.

Alors, dans quel sens chercher ? Comment retrouver la boussole de la joie, capacité naturelle de l’être humain ?

Les activités créatives

La lecture de Montesquieu en fait partie. Car la lecture permet de créer des images, des pensées, des liens. Face à un livre, pas de passivité. Pour être créatif, il n’est pas besoin d’être doué en dessin ou en musique, ni de viser l’œuvre. Viser l’excellence dans un art est d’ailleurs souvent plus source de procrastination que de joie. Cuisiner est une activité créative, organiser le rangement d’un placard aussi. La question, comme dirait ABBA, c’est « voulez-vous ? » C’est à dire, pour quelle activité ressentez-vous un « je veux », un élan en dehors de tout résultat visé.

La contemplation

Que ce soit la contemplation d’une peinture, d’une image, d’un paysage, d’un animal ou d’un enfant qui joue, ou encore d’un morceau de musique, il y a toujours un moment où l’immersion est totale, où la personne qui observe et ce qu’elle observe ne font qu’un. Ce moment est parfois court, mais il est intense. Ces moments là peuvent, à eux seuls, justifier une existence : « J’ai été là pour vivre cela et seule la vie permet cela. »

Les sens

Ces choses qui nous font toujours du bien passent par les sens : la caresse du poil soyeux d’un chat, le plaisir de sentir ses muscles répondre dans une activité physique, l’odeur d’un gâteau plein de souvenirs (la célèbre madeleine de Proust !).

Souvenez-vous d’un paysage que vous aimez, dans lequel vous vous sentez bien. Ou encore d’un moment que vous avez particulièrement apprécié. plongez-vous dans ce souvenir et passez tout vos sens en revue : ce que je vois, ce que ma peau et mes doigts sentent, ce que mon nez sent, ce que j’entend, ce que je goûte. Prenez votre temps pour cela.

Une liste pour se souvenir d’être heureux

Ecrire est aussi une activité qui peut faire du bien. Je ne parle pas d’écrire un roman qui fera date ou encore d’une nouvelle qui gagnera un concours. Non, je parle de l’activité d’écrire, comme écrire… des listes. Mais pas des to do list, sauf si c’est sans projet d’en barrer les items. Je vous propose d’écrire, à la façon de Sei Shônagon⁽¹⁾, une liste de « choses qui font du bien ».

Pour vous inspirer, voici un extrait des Notes de chevet.

« CHOSES QUI FONT BATTRE LE COEUR

Des moineaux qui nourrissent leurs petits.
Passer devant un endroit où l’on fait jouer de petits enfants.
Se coucher seule dans une chambre délicieusement parfumée.
S’apercevoir que son miroir de Chine est un peu terni.
Se laver les cheveux, faire sa toilette, et mettre des habits tout embaumés de parfum. Même quand personne ne vous voit, on se sent heureuse du fond du cœur.
Une nuit où l’on attend quelqu’un. Tout à coup, on est surpris par le bruit de l’averse que le vent jette contre la maison. »

A vos stylos !

(1) – Sei Shônagen. Notes de chevet. Gallimard. (Connaissance de l’Orient). 1985

Et si vous avez envie d’approfondir votre capacité à saisir les choses qui vous font du bien :

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