La ronronthérapie pour soigner votre dépression ?
La ronronthérapie, une branche de la tout-tout-thérapie.
Avez-vous remarqué que plus rien d’agréable n’est envisagé gratuitement, juste pour le plaisir (Herbert Léonard, sort de ce corps !) ?
Tout est perçu comme thérapeutique ou, à l’inverse, nocif.
Il s’agit de faire du Yoga ou de la méditation pour lâcher prise, de la course à pied ou de la boxe pour évacuer le stress, du théâtre contre l’anxiété sociale, de partir en voyage pour se ressourcer ou encore de pratiquer la natation pour lutter contre les tensions dorsales. Si on se lève tôt, ce n’est plus pour que l’avenir nous appartienne mais pour s’imposer une « miracle morning« , technique particulièrement prisée des entrepreneurs qui en veulent et des managers en mal d’idée pour booster leur reporting.
Plus aucune activité humaine ne semble échapper au classement thérapeutique ou nocif, même la fréquentation des animaux. C’est un peu comme si la vie était une alternance perpétuelle entre activité délétère et activité réparatrice, les secondes permettant d’être opérationnel pour les premières. Mais où est donc le plaisir ? (Herbert, je t’ai déjà dit de…). Où est donc la joie, le bonheur d’être, quelque soit l’activité à laquelle on se livre ? Surement dans ce stage de chamanisme aux promesses enchanteresses et au tarif black friday (révélation* : non).
Car bien entendu, cette vision des choses ouvre les portes à tout un marché nous invitant à nous soigner pour mieux affronter tout ce qui est nocif. Il s’agit du développement fructueux (pour ne pas dire capitaliste) du jour de congé obtenu en 1906 pour reconstituer la force de travail des pue la sueur. A l’époque, l’ouvrier pouvait disposer de son dimanche comme bon lui semblait pour être employable le lundi, aujourd’hui les salariés disposent de jours de congés pour optimiser à leurs frais leur opérationnalité dans leur travail mais aussi leur vie privée.
Ainsi, un livre va vous expliquer par le menu comment utiliser votre temps de façon optimale de 5H00 à 7h00 du matin pour être au top le reste de votre journée. Le tout en commençant par une douche froide après 4h00 de sommeil. Il ne s’agirait pas de s’amollir. Ou une formation vous propose de devenir cuisino-thérapeute. Préparer un bon petit plat ne doit pas rester un plaisir inutile ! J’en passe…
J’en arrive au chat qui est présenté comme un puissant anxiolytique grâce à son ronronnement. C’est bien sûr appuyé avec des chiffres et des mots techniques pour donner au propos un vernis scientifique. Moyennant quoi, on crée des bars à chats où des dizaines de bestioles sont enfermées dans un milieu fort peu félin pour le seul bénéfice des humains (et des propriétaires de ces lieux « thérapeutiques »).
L’inutile, une vertue oubliée.
La dépression, celle que l’on envisage de soigner grace à la ronronthérapie, est peut-être bien le résultat de la vision utilitariste de notre existence et du monde.
Le dépressif se sent inutile (en plus de se sentir mou, sans désir et fort triste). Mais faut-il être utile ?
Régulièrement, les personnes que je reçois ma parle de leur désespoir de ne pas « cocher toutes les cases ». Il y aurait une sorte de « to do list » à réaliser, de choses à faire impérativement pour exister à ses yeux et aux yeux des autres. Tout est passé au crible de cette réalisation de soi obligatoire et chaque instant mal utilisé est considéré comme perdu. Même boire un verre avec des amis après le boulot (le célèbre « afterwork ») devient « un temps de socialisation », dont il faut parfois se guérir par « un temps d’isolement pour recharger les batteries ».
Il parait que Lao-Tseu (un taoïste dont il est assurément impossible d’attester de l’existence, ni qu’il ait réellement dit ceci ou celà), Lao-Tseu, donc, répondit à des disciples qui lui expliquaient l’inutilité d’un arbre tout tordu : « Soyez comme cet arbre. Si vous êtes utiles, vous serez abattus et transformés en meubles. Si vous êtes beaux, vous serez vendus au marché, tels des objets. Soyez comme cet arbre, absolument inutiles… alors vous deviendrez immenses, et des milliers de gens s’abriteront sous votre ombrage. »
Vivre avec un chat est chose merveilleuse. Observer ses déplacements, ses siestes profondes ou encore ses moments de jeu ou de chasse est une activité parfaitement inutile, qui ne coche aucune case d’aucune liste de choses à faire. Et si vous faites tout cela sous un arbre tellement tordu qu’il n’y a rien à faire avec, sans espoir que ces instants ne vous guérissent de quoi que ce soit, alors c’est encore mieux.
(*) Révélation : terme français synonyme de spoileur. So French !
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Envie de lâcher prise sur le lâcher prise ? Ou de parler de votre dépression qui résiste à la ronronthérapie et à la « miracle morning » ?
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