A la recherche de la volonté perdue
« Je n’ai pas de volonté », « il faut que je me sorte les doigts du luc » ou encore « me foute des coups de pieds quelque part ». Est-ce si sûr ? Est-ce que cela fonctionne ? La volonté n’est pas ce que l’on croit et tenter de se contraindre avec des « je dois » et des « il faut » fait surtout le bonheur de la procrastination, de la culpabilité, voire de la honte. Je vous propose une vision différente de la volonté et une expérience à faire.
La volonté, qu’est-ce donc ?
Pendant mes études de psychosynthèse, j’ai découvert que la volonté était au centre du processus de croissance de l’individu. Sans volonté, il n’y a pas de choix, pas d’action, et pas d’étayage de l’identité Quand on a une vision très « victorienne »(1) de la volonté, cette place particulière de la volonté est assez incompréhensible.
La volonté n’est pas un réservoir plus ou moins rempli selon notre caractère, une faculté à se contraindre à faire, elle est au cœur de la vie : c’est le désir de maîtriser et de réaliser, le désir de réaliser ses potentialités. Alors, parfois, la volonté forte (le coup de collier) est nécessaire, mais ce n’est qu’un aspect de la volonté.
Je me rappelle de Caroline(2) qui m’a dit un jour : « je n’ai aucune volonté. Tous mes diplômes je les ai eus sans efforts, juste parce que ça me plaisait. » Elle avait aussi déniché un appartement correspondant exactement à ses vœux et à un tarif inespéré, par hasard, en parlant avec l’ami d’un ami lors d’une fête, et cela constituait pour elle une preuve de plus de son manque de volonté : elle avait été incapable de se donner du mal, elle avait bénéficié de façon presque indue d’un gros coup de bol. Elle oubliait au passage toutes les choses qu’elle avait faîtes pour arriver à ses fins, depuis son assiduité aux heures de cours en passant par sa compétence à convaincre le bailleur de sa capacité à payer le loyer malgré son dossier un peu léger.
Faire l’expérience de la volonté, ce n’est pas lutter contre soi-même, ce n’est pas forcer sa nature, c’est avoir une direction et tenir la barre. La volonté permet d’organiser les différents fonctions de la personnalité.
Remplacer la contrainte par sa propre volonté
Avoir de la volonté, c’est vouloir, c’est désirer. Que voulez-vous ? La savez-vous ? Vouloir, ce n’est pas devoir. Lorsque telle enseignante me dit : « je dois corriger mes copies, mais je n’ai aucune volonté », avec un air presque désespéré, que veut-elle ?
Très souvent, notre volonté vient mourir, comme des vagues sur une falaise, sur tous les « je dois » qui façonnent beaucoup d’existences, et dont on fini par ne plus savoir d’où ils viennent. Il y a même une inflation extraordinaire des « je dois » ces dernières décennies, la fameuse charge mentale qui fait couler de l’encre ces derniers temps n’en est qu’une expression. Et, bien évidemment, quand « je dois », je suis en dette : la culpabilité n’est jamais bien loin. La procrastination non plus.
Comment rétablir l’équilibre ? Comment, à travers toutes ces contraintes qui semblent à priori incontournables, trouver notre volonté et la joie en lieu et place de la soumission ? Essayons quelque chose :
Il vous faut : du papier, un crayon.
1 – Ecrivez votre liste de « je dois ». Ecrivez tout ce que vous pensez devoir faire, ou devoir devenir. Cela peut donner :
- Je dois corriger mes quatre paquets de copies.
- Je dois payer mes impôts.
- Je dois perdre 5 kilos, au moins.
- Je dois téléphoner à ma mère deux fois par semaine.
- Je dois être moins timide.
- Je dois remplacer mon N+1 avant mes 30 ans.
- Je dois réserver la location pour les vacances.
- Etc.
2 – Transformez les « je dois » en « je veux », et évaluez si c’est juste, si c’est possible pour vous, si vous pouvez le dire à voix haute avec conviction. Sentez ce que cette transformation lexicale vous fait ressentir.
« Je dois corriger mes quatre paquets de copies » devient « Je veux corriger mes quatre paquets de copies ». Dites le à voix haute et sentez ce que cela vous fait. Peut-être que la lourdeur du « je dois » s’est effacé pour laisser la place à autre chose, une autre sensation, une légèreté, ou une joie, ou un étonnement : oui, je veux ! Vous êtes en contact avec la part de vous qui veut. La volonté est là, prête à vous mettre à la barre de votre vie.
Mais peut-être que votre corps se contracte. Hein ??? Les fucking copies ? Plutôt me planter une allumette sous chaque ongle que de m’y mettre !
Alors, comment transformer ce « je dois » en « je veux » ? Pourquoi diable pensez-vous devoir corriger ces copies (ou payer vos impôts ou appeler votre mère) ? Que voulez-vous, en vrai ? Vous pouvez tester différents « je veux » :
- Je veux me débarrasser de ce travail pour partir en vacances l’esprit léger et bien en profiter.
- Je veux avoir la satisfaction de faire le travail pour lequel je suis payé.
- Je veux voir le plaisir (ou la haine… Bah, oui, pourquoi pas) dans les yeux de mes élèves quand je leur rendrai leur devoir.
Votre mission et de trouver un « je veux » acceptable pour vous. Il est même possible que vous réalisiez que, finalement, vous ne voulez pas le faire et que vous ne le ferez pas. Cette location en Bretagne, ce n’est pas vous qui en avez envie, c’est votre conjoint. Vous, vous préférez la Vendée. Donc, soit c’est la Vendée et vous vous ferez un plaisir de réserver. Soit c’est la Bretagne et c’est votre moitié qui s’y colle.
Des « je dois » qui en disent plus long qu’on ne croit
Il est possible de pousser plus loin. En séance, avec Julie(2) (l’enseignante aux paquets de copies), on a pu voir que ce qu’elle désirait vraiment, secrètement, c’était d’être une bonne prof. Et même plus que ça, une professeure excellente, voire la meilleure prof qu’il est possible d’imaginer. Elle se voyait traverser la cour sous les regards admiratifs de tous ; recevoir les vivats de l’inspecteur le jour de l’entretien de carrière. Et si elle désirait cela, c’était pour combler un manque cruel d’estime d’elle-même et de sa valeur. En attendant de résoudre plus profondément cela, elle a pu écrire :
- Je peux corriger mes copies (oui, c’est une astuce, on peux transformer les « je dois » en « je peux ». Ca change déjà les choses, essayez). Et…
- Je veux sentir de la bonne conscience en corrigeant mes copies et sans mettre de note inférieure à 8. (Et pourquoi pas ? C’est qui le prof ? C’est qui qui décide du barème ?)
Partir à le recherche de sa volonté perdue, c’est être un Indiana Jones de soi. C’est aller à la rencontre de ce qui fonde votre être, votre Arche, et l’assumer au grand jour. Toute une aventure, je vous dis !
Et si vous vous sentez un peu fragile sur la piste de ce trésor perdu, rencontrons-nous pour nous lancer ensemble dans cette quête.
(1) – En Angleterre, au XIX siècle, la période victorienne (qui tenait son nom de la reine Victoria) a été marquée par un conformisme étouffant. Les « tu dois » pleuvaient autant que les coups de triques sur les jeunes postérieurs. En effet, les châtiments corporels étaient prônés pour mieux contraindre les futurs adultes.
(2) – Les cas de Caroline et Julie sont des constructions à partir de plusieurs clients et des détails ont été changés, afin de les rendre totalement anonymes.
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